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3
L’amitié
Une nouvelle de Georges Alexandrinos extrait de son livre
Un étudiant grec s’est suicidé à Paris
traduit du grec 

La ville où j’ai grandi est bâtie dans une cuvette. Un bassin. Petit. Notre maison bâtie sur la colline septentrionale. Exposée au soleil. Plus haut que les autres. Elle dominait. Je me réveillais le matin et je sentais les autres en bas. Le monde entier à mes pieds. A cela peut-être est dû un sentiment de supériorité que j’éprouve et qui dérange beaucoup.
Exactement au-dessous de nous, au-dessous de la rue nivelée, enfouie dans la terre, une maison qui hébergeait une famille de réfugiés d’Asie mineure. Anestis et Areti. Anestis était cordonnier, savetier. Areti traînait sa jambe droite et les douleurs de l’exode. Et leurs enfants.
Sophocle qui avait épousé Melpomène, on l’appelait Mène. Ils sont partis en Allemagne. Les étés ils revenaient pâles eux et leurs enfants. Ils portaient des vêtements de nylon aux couleurs vives.
Sophie coiffeuse. Elle a épousé un adjudant, inculte et grossier, un fasciste. Elle est partie.
Et Haris. Un noceur. Il portait la moustache une rangée de poils alignés au-dessus de sa lèvre. Il mouillait ses cheveux, les peignait et la cigarette collée de travers à la bouche il se mettait en route pour le boulot. Il déchargeait les camions qui apportaient les marchandises. Un portefaix. Ils n’avaient pas de corporation. Une bande ils étaient. Deux montés sur le camion apportaient les marchandises à la sortie de la benne, deux autres les portaient dans les magasins, et un par-derrière allait se faire payer. Régulièrement ils échangeaient leur place. Haris buvait aussi de la retsina. Il avait déclaré que lui ne partirait pas.
Les années ont passé et il avait tardé à se marier. Jusqu’au jour où ils sont allés avec le camion dans un village proche et là il a vu Aglaé. Bien plus jeune que lui. Seize ans elle avait quand elle a épousé Haris. Ils ont eu deux garçons.

*

Haris était de gauche. Il votait EDA*. Mais il avait un ami de cœur qui était de droite. D’extrême droite. Depuis l’enfance ensemble. Il s’étaient liés d’une forte amitié depuis qu’ils étaient petits, avant qu’il n’apprenne la politique, et ainsi ils continuaient à être amis.
Son ami blond. Menuisier, marié avec une coiffeuse grande et insipide. Stérile. Les deux couples se fréquentaient. La coiffeuse passait chez Aglaé, elles papotaient et elle la coiffait. Aglaé est de nouveau tombée enceinte. Elle a mis au monde un garçon blond. Au fur et à mesure qu’il grandissait le secret s’étalait au grand jour dans le quartier.
Tous avaient compris qui était son père.
Haris trouvaient des prétextes pour battre Aglaé. Moi, petit, j’allais à l’école. En compagnie de Takis. Quand il pleuvait nous rasions les murs. Nous voyions Aglaé assise à la fenêtre basse. Regarder dans le vide. Ses yeux emplis de larmes. A peine avions-nous dépassés la fenêtre que Takis se retournait, me regardait et souriait bêtement. « Il ne sait pas «, pensais-je. Je ne lui ai pas dévoilé le secret.

*

Les parents d’Aglaé, qui étaient encore jeunes, étaient partis après son mariage en Australie.
Un beau jour ils sont revenus et ont convaincu Haris de les emmener eux aussi là-bas. Pour sauver les apparences.
Et ainsi Haris, qui déclarait qu’il ne partirait jamais, s’est retrouvé avec Aglaé et ses trois enfants dans l’hémisphère sud.

*

Quand on parle d’amitié je pense à Haris, à ses cheveux collés, à sa fine moustache, à sa cigarette, à ses déclarations sur l’émigration, à l’Australie.…
Amitié…

*

La ville a grandi.
D’autres maisons ont été bâties, plus haut que la nôtre.
Mais moi je suis parti.
Moi personne ne m’a regardé de haut.
Personne ne m’a observé d’en haut.
Je suis parti.
Je me suis perdu dans les mégalopoles.
Sans voisins.
Sans leus secrets.
De temps à autre je retourne.
Anestis et Areti sont morts.
Sophie avec son adjudant.
Sophocle en Allemagne.
Haris en Australie.
Des réfugiés.
La maison vide.
Les murs s’effritent.
La nuit les fantômes la visitent.


* EDA : Gauche Démocratique Unifiée ( ndt )

© Georges Alexandrinos















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